La Commission européenne décide, le gouvernement français applique

Posted on 13 juillet 2020 par

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Pourquoi les lobbies résident plutôt à Bruxelles qu’à Paris ? Parce que c’est à Bruxelles que se prennent les décisions.
Exemple des OGM et application du principe de précaution : en l’absence de preuve scientifique confirmée — « reposant sur des données scientifiques fiables » — de la dangerosité du maïs MON 810, celui-ci ne peut être interdit.

La Commission européenne décide, le gouvernement français applique, c’est ce que rappelle le Conseil d’Etat français concernant par exemple l’autorisation du maïs MON 810.

La Commission européenne a autorisé sa mise sur le marché le 22 avril 1998. Le 14 mars 2014, le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a pris un arrêté pour en interdire la commercialisation l’utilisation et la culture. Il a eu tort décide le Conseil d’Etat en annulant l’arrêté.

CE, 15 avril 2016, n° 376809, 377134 et 377625

N.B. une nouvelle directive de 2015, UE 2015/412, a modifié les droits de états membres en leur donnant plus de pouvoirs, confirmant que lesdits pouvoirs procèdent des organes de l’Union Européenne et de leur bon vouloir.

   
Conseil d’État N° 376809 du 15 avril 2016, extraits

l’association générale des producteurs de maïs (AGPM) et la fédération nationale de la production de maïs et de sorgho
l’Union française des semenciers (UFS)
demande au Conseil d’Etat :

d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt du 14 mars 2014 interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810).

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le maïs MON 810 est une variété de maïs génétiquement modifiée en vue de lui donner une plus grande résistance aux insectes ravageurs de cette plante ; que sa mise sur le marché a été autorisée le 22 avril 1998 par la Commission européenne en application des dispositions de la directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, alors en vigueur ; que, le 12 juillet 2004, cet organisme génétiquement modifié (OGM) a été notifié en tant que produit existant dans les conditions énoncées à l’article 20 du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés ; que l’association générale des producteurs de maïs et autres demandent l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 14 mars 2014 par lequel le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a interdit la commercialisation, l’utilisation et la mise en culture des variétés de semences de maïs issues de la lignée de maïs génétiquement modifié MON 810, dans l’attente de l’édiction de mesures appropriées par la Commission européenne ;

4. Considérant que les aliments génétiquement modifiés pour animaux qui ont été légalement mis sur le marché avant la date de publication du règlement (CE) n° 1829/2003 sont soumis aux dispositions de ce règlement et notamment, aux termes du paragraphe 5 de son article 20, “ de ses articles 21, 22 et 34, qui s’appliquent mutatis mutandis “ ; qu’aux termes de l’article 34 de ce règlement : “ Lorsqu’un produit autorisé par le présent règlement ou conformément à celui-ci est, de toute évidence, susceptible de présenter un risque grave pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ou si, au regard d’un avis de l’Autorité délivré conformément aux articles 10 et 22, il apparaît nécessaire de suspendre ou de modifier d’urgence une autorisation, des mesures sont arrêtées conformément aux procédures visées aux articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002. “ ; qu’aux termes de l’article 53 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires : “ la Commission (…) arrête sans délai, de sa propre initiative ou à la demande d’un Etat membre, en fonction de la gravité de la situation, une ou plusieurs des mesures suivantes : / a) pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux d’origine communautaire : (…) / ii) suspension de la mise sur le marché ou de l’utilisation des aliments pour animaux en question ; / iii) fixation de conditions particulières pour les denrées alimentaires ou aliments pour animaux en question ; iv) toute autre mesure conservatoire appropriée ; (…) “ ; qu’aux termes de l’article 54 du même règlement : “ 1. Lorsqu’un Etat membre informe officiellement la Commission de la nécessité de prendre des mesures d’urgence et que la Commission n’a pris aucune mesure conformément à l’article 53, cet Etat membre peut prendre des mesures conservatoires. Dans ce cas, il en informe immédiatement les autres Etats membres et la Commission. (…) / 3. L’Etat membre peut maintenir les mesures conservatoires qu’il a prises au niveau national jusqu’à l’adoption des mesures communautaires. “ ;

6. Considérant, d’une part, qu’il ressort de l’avis du 8 décembre 2011 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) que, si une pratique suffisamment intensive de la culture du maïs génétiquement modifié Bt 11, similaire au maïs MON 810, est susceptible de donner lieu au développement d’une résistance chez les insectes cibles, l’utilisation de zones-refuges de maïs non génétiquement modifié, qui était prévue dès la demande d’autorisation de mise sur le marché du maïs MON 810 présentée à la Commission, permet de maîtriser ce risque ; qu’il ressort du même avis que si l’exposition, pendant plusieurs années consécutives, de certaines espèces de lépidoptères sensibles à des niveaux élevés de pollen de maïs Bt 11 est susceptible de réduire les populations de ces espèces dans les régions où la culture de ce maïs est pratiquée de façon suffisamment intense, un tel risque peut être maîtrisé par l’édiction de mesures de gestion et de surveillance dans les régions où les populations de lépidoptères concernées pourraient être présentes et particulièrement exposées ; que cet avis conclut que, lorsque des mesures de gestion du risque appropriées sont mises en place, le maïs génétiquement modifié MON 810 n’est pas susceptible de soulever davantage de risques pour l’environnement que le maïs conventionnel ;

7. Considérant, d’autre part, qu’à l’appui d’un avis rendu le 6 décembre 2012, l’AESA a indiqué n’avoir identifié aucune publication scientifique nouvelle susceptible de remettre en cause ses précédentes conclusions quant à l’évaluation des risques soulevés par le maïs MON 810 ni de la conduire à reconsidérer ses recommandations en vigueur quant au suivi et à la réduction de tels risques ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 ci-dessus que le ministre chargé de l’agriculture ne pouvait légalement se prévaloir du contenu de ces avis pour justifier, sur le fondement de l’article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 précité, l’intervention, à titre conservatoire et urgent, d’une mesure interdisant la commercialisation, l’utilisation et la mise en culture des variétés de semences de maïs issues de la lignée de maïs génétiquement modifié MON 810 ;

9. Considérant qu’il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Monsanto SAS et autres du 8 septembre 2011 qu’il incombe aux Etats membres désireux de mettre en oeuvre des mesures conservatoires en application des dispositions combinées de l’article 34 du règlement (CE) n° 1829/2003 et de l’article 54 du règlement (CE) n° 178/2002 de démontrer, outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ; qu’un tel risque doit être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables ;

10. Considérant qu’à l’appui de sa défense, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a produit divers éléments, notamment quatre études publiées respectivement dans la revue “ Plos One “ en juillet 2013 et janvier 2014, dans la revue “ Ecological Modelling “ en février 2013 et dans la revue “ Journal of Hematology and Thromboembolic Diseases “ en mars 2013 ; qu’il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces diverses publications soient de nature à établir l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ;

11. Considérant que la seule circonstance que la Commission européenne, à la suite de l’avis émis par l’AESA le 8 décembre 2011, n’ait pas cru devoir édicter des mesures de gestion telles que celles préconisées par cet avis n’est pas, par elle-même, de nature à établir l’existence d’une situation d’urgence et d’un risque important mettant en péril de façon manifeste l’environnement, dès lors, d’une part, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les risques potentiels identifiés par l’AESA présenteraient un tel caractère de gravité, d’autre part, qu’il n’est ni établi, ni même allégué que de telles mesures de gestion auraient été rendues nécessaires en raison de la réalisation des hypothèses envisagées par l’AESA ;

12. Considérant que la circonstance que le maïs génétiquement modifié MON 810 ait été autorisé en 1998 sur le fondement de la directive 90/220/CEE, dont les exigences en matière d’évaluation du risque seraient plus faibles que celles qui ont été mises en place par la directive 2001/18/CE qui l’a remplacée, n’est pas, par elle-même, de nature à caractériser l’existence d’une situation d’urgence et d’un risque important mettant manifestement en péril l’environnement ; que ne caractérise pas davantage un tel risque la circonstance que le Conseil de l’Union européenne ait déclaré en 2008 que les procédures d’évaluation du risque environnemental lié aux OGM devaient être renforcées ou celle que l’AESA ait publié de nouvelles lignes directrices postérieurement à l’avis qu’elle avait émis à l’occasion du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du maïs MON 810 ;

13. Considérant dès lors qu’en estimant, au vu des éléments énoncés ci-dessus, qu’étaient caractérisés, une situation d’urgence ainsi qu’un risque important mettant manifestement en péril l’environnement et de nature à justifier une mesure d’interdiction totale de la commercialisation, de l’utilisation et de la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié MON 810, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a entaché l’arrêté attaqué d’une erreur manifeste d’appréciation ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association générale des producteurs de maïs et autres sont fondés à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ;

D E C I D E :

Article 2 : L’arrêté du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt du 14 mars 2014 interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810) est annulé.